Depuis l’Algérie aux État Unis, en passant par le Sahara, le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et moult autres pays d’Afrique, Tonia Marek, doctorante en Santé Publique d’une université américaine, sillonne et habite ces contrées dans le cadre de son travail de spécialiste en épidémiologie. S’imprégnant de ces voyages et de leur richesse culturelle et historique, le parcours de Tonia va alors s’en trouver bousculé. En effet amoureuse de l’Afrique et captivée par la culture subsaharienne, c’est de là qu’elle puisera son inspiration et ses ressources pour façonner d’impressionnants colliers aux matériaux issus d’ici et de là bas. Aujourd’hui installée à Alger, elle les expose notamment au Musée National du Bardo sous la thématique «Pouvoir des perles d’Alger» et contribue à l’exposition au Centre de la Culture et des Arts au Palais des Rais sous le thème «Sahara». De docteur en épidémiologie à créatrice de colliers, Tonia nous embarque dans un périple bercé de perles et de pierres de toutes cultures et de tous horizons, au bagage historique à la fois captivant, enrichissant et attractif. Mise en lumière sur cette femme rigoureuse, engagée et passionnée dont la collection fleurit de récits ne demandant qu’à être racontés.
Q : Qui est Tonia Marek ?
Une citoyenne du monde.
Q : Dans la vie, vous êtes docteur en épidémiologie. Comment un docteur passe-t- il du terrain médical à la création de bijoux ?
Cela s’est fait en parallèle. Vivant et travaillant en Afrique, j’étais fascinée par la richesse culturelle de beaucoup de pays africains. Les perles sont des objets accessibles – pas trop chers à l’époque –, facilement transportable car je voyageais tout le temps et jolis. J’ai donc commencé ma collection en visitant les marchés, puis je me suis mise à enfiler les perles afin d’en faire des colliers pour moi.
Q : Comment parvenez vous à concilier vie de famille, vie professionnelle et passion ?
Je suis à la retraite depuis 4 ans, donc à présent c’est facile. Avant, c’était plus dur en particulier pour la vie de famille. J’ai mis ma vie professionnelle en avant pendant très longtemps… puis quand j’ai eu ma fille, j’ai cherché un job plus stable que consultant. Mais j’ai amené ma fille dans de nombreux pays avec moi. Elle ne savait d’ailleurs pas quoi répondre quand on lui demandait d’où elle était ! Et moi non plus, en fait !
Pour ma passion, je l’ai assumée durant mon temps libre, quand je travaillais. A présent je peux m’y consacrer à temps plein, ou presque.
Q : Depuis quand créez-vous des bijoux ? Et quelle a été votre toute première création ?
Ma première création a été un collier cassé qu’une amie avait créé et que je voulais réparer. Mais l’idée m’est venue de l’améliorer à ma manière, je l’ai donc ré-enfilé avec les vieilles perles en y ajoutant de nouvelles, sur un design différent. Cela doit faire 35 ans.
Q : En trois mots, comment décrierez vous votre ligne de bijoux ?
Design contemporain basé sur les cultures anciennes et modernes de l’Afrique. Diversité.
Q : Sur votre page Facebook, on peut découvrir que les matériaux utilisés pour vos bijoux proviennent de vos voyages et missions professionnelles. Est-ce pour vous nécessaire de fusionner vos deux passions ?
Je ne me sens obligée de rien dans ma création, si une perle ou une idée m’inspire, je travaille avec ; si je n’ai pas les éléments pour une idée, j’adapte avec ce que j’ai sous la main. Mais c’est toujours les perles d’Afrique que j’utilise – c’est toute ma collection. Cependant, au fil des voyages ailleurs, des éléments venant d’en dehors de l’Afrique trouvent leurs chemin dans mes créations.
Q : Quels sont vos sources d’inspirations ? Où puisez vous vos idées ?
Je trouve mes idées partout, en feuilletant des livres d’art, ou en regardant des colliers d’Afrique ou d’ailleurs, devant les couleurs d’un paysage, ou simplement à partir d’une perle qui tout d’un coup accapare mon esprit (pourquoi celle-ci? je ne sais pas) et que j’ai envie de monter dans un collier.
Q : Pouvez-vous nous parler de votre processus de création, depuis vos idées de bijoux, votre collecte de pierres et matériaux jusqu’à la réalisation finale ?
Une fois mon idée de design en tête, je mets les perles sur un tissu noir pour qu’elles ne bougent pas, je les dispose comme un collier. A ce moment, je vois si le design me plaît ou pas. Parfois je change une perle par une autre, ou bien je peux changer le design. Ensuite je décide d’y introduire des intercalaires, ce sont souvent de petites perles qui permettent de mettre en valeur les perles plus importantes, tant au niveau du volume que de la couleur. Les couleurs doivent être complémentaires, par exemple le rouge s’accorde bien avec le doré du bronze, le vert avec l’éclat de l’argent. Une fois satisfaite, je monte le collier sur un fil de pêche pour l’essayer autour de mon cou, pour voir comment il tombe. Je peux alors encore le modifier en enfilant les perles sur un fil plus ou moins rigide pour qu’il tombe mieux. Je choisis le fermoir. En général, le collier passe alors plusieurs jours sur la table de mon atelier. Je le regarde tous les jours pour voir s’il est comme j’aimerais. Puis je procède au montage final.
Q : Comment décririez-vous votre univers et celui de votre collection ?
Un rêve qui devient réalité…
Q : D’où provient cet amour et passion pour la culture subsaharienne inhérente à vos créations ?
Je ne sais pas. Peut-être de mon engagement envers les mouvements de libération africains que je fréquentais à Alger durant mon adolescence … Je les aidais en traduisant des tracts. C’était l’époque du Panafricanisme.
Q : Quel message souhaitez vous donc faire passer à travers la richesse culturelle de vos bijoux ?
Le collier, en plus d’être un bel objet/bijou, a une valeur culturelle et historique grâce à ses perles qui font partie du patrimoine culturel et historique de nombreux peuples d’Afrique.
La perle est un peu comme les masques d’Afrique, est un objet qui n’est pas que beau, elle fait partie de certains rituels et rites aussi.
Q : Votre collection est par ailleurs pour l’instant essentiellement composée de colliers. Vous tournerez vous dans l’avenir vers la création d’autres bijoux?
Non, je ne sais pas pourquoi, mais seuls les colliers m’intéressent. Aussi, la plupart de mes colliers sont lourds, ou bien très visibles, et il vaut mieux les porter sans boucles d’oreilles, sinon on tasse le cou et la silhouette.
Q : De toute votre ligne, quel est le modèle de votre collection que vous préférez ? Celui qui, peut-être, vous apporte le plus de fierté ?
Lequel je préfère ? Je ne veux pas faire de jaloux ! Il faut que je réfléchisse à cela ! J’ai plusieurs colliers favoris, l’un « Alwar » était exposé au Palais des Rais, il est fin, élégant, et chargé d’histoire. Un autre favori est un ras-du-cou en ambre de Mauritanie, j’aime la couleur chaude de l’ambre d’Afrique.
Q : Quel type de femmes porte les bijoux Tonia’s Design ?
Ce sont des femmes qui sont intéressées non pas uniquement par les beaux objets, mais qui sont également curieuses d’autres cultures.
Q : « Tonia’s Design » est en l’occurrence le nom figurant sur votre galerie photo Facebook consacrée à la collection. Est-ce le nom de votre ligne de bijoux ou bien celle-ci n’a-t-elle pas (encore) de nom ?
Tonia’s Design, pourquoi pas? Je n’y ai jamais vraiment réfléchi. Jusqu’à présent, elle n’avait pas de nom, mais va pour Tonia’s Design.
Q : Avez-vous des projets en cours ou futurs liés à vos créations ?
Oui, je suis en train d’écrire un livre où en face de la photo de chaque collier il y aura l’histoire des perles le composant. Ceci me permettra de mettre les perles dans leur contexte socioculturel pour les lecteurs, les amoureux de perles, les archéologues, les ethnologues. Toutes mes notes, mon travail de documentation sur le terrain, dans les bibliothèques et sur internet ne peuvent pas rester au fonds de mes tiroirs ! Je cherche un éditeur … !
Q : Un mot pour la fin ?
Ma devise : « Vivez votre rêve, ne rêvez pas votre vie. »
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